Dora Garcia

Ecole

À la fin des années 1990, j’ai commencé à travailler, en tant qu’artiste, à ce qui fut nommé, bien plus tard, des performances déléguées. Les miennes faisaient jouer à des acteurs – non pas au sens professionnel, mais en cela qu’ils réalisaient une action – un scénario très simple en présence du public, mais à son insu. J’y tenais le rôle d’une réalisatrice qui raconte une histoire en cherchant non pas à la contrôler, mais à se laisser surprendre. Une façon si singulière d’aborder la performance exigeait de nouveaux matériaux qui ont alors pris la forme de journaux intimes en ligne, tenus par les performeurs, ou de ceux que j’avais utilisés dans mes premiers films – La Leçon de Respiration, 2001, et Le Mur de Verre, 2002. Très proches de la performance vidéo, ces films ont eu tôt fait de s’associer à de longs processus de recherche sur les concepts de contrôle, liberté, vérité, fiction, métafiction, ainsi que sur les comportements écrits d’avance ou spontanés.

Depuis 2006, j’ai conçu des textes, des installations et des films sur la Stasi, la police politique d’Allemagne de l’Est (le film Pièces, Conversations, 24 min, 2006, présenté, pour la première fois, à GfZK, Galerie für Zeitgenössische Kunst à Leipzig, en Allemagne ; sur l’humoriste Lenny Bruce (Simplement parce que tout est différent... Lenny Bruce à Sydney, une performance jouée, une seule fois, à la Biennale de Sydney, en 2008) ; sur les associations en rhizome de l’antipsychiatrie (une série de livres, Fou marginal, depuis 2010, et, la même année, Majorité déviante, un film de 34 min qui faisait partie d’un projet de performance intitulé L’Inadéquat, montré, pour la première fois, au pavillon espagnol de la 54e Biennale de Venise). J’ai utilisé des formats télévisuels classiques dans mes recherches sur l’histoire toute récente de l’Allemagne (Die Klau mich Show, Documenta 13, 2012) ; fréquenté des clubs de lecture consacrés à Finnegans Wake (La Société joycienne, 53 min, 2013) ; créé des points de rencontre pour celles et ceux qui entendent des voix (le Café de celles et ceux qui entendent des voix, depuis 2014) ; et étudié le mélange des genres entre performance et psychanalyse (La Partition du sinthome, 2013, et Segunda Vez, 2018).

Segunda Vez (Deuxième Fois) était un projet composé de cinq films : L’Hélicoptère (2015), Accoucher l’esprit de l’image (2016), L’Éternelle (2017), Segunda Vez (44 min, 2016) et Segunda Vez (2018). Un projet de longue haleine, en somme, sur la performance, les publics, les métafictions, la politique et la psychanalyse, avec, pour fil rouge, la figure du psychanalyste et auteur argentin Oscar Masotta.

Depuis 2018, je travaille à un film et à un projet de texte sur l’héritage laissé par Alexandra Kollontaï, figure visionnaire du féminisme intersectionnel, qui a pris part à la Révolution d’Octobre. Son histoire se résume à deux chapitres : le premier a trait aux secrets et aux révélations sur sa personne dénichés dans les archives de Moscou ; le second, aux « communautés d’imprimeurs » articulées, des années 1930 à nos jours, autour de la traduction de ses textes en espagnol. Ce projet, auquel j’entends travailler, étape par étape, avec les étudiants du Fresnoy, devrait s’achever en 2022.

 

Dora García