Ben Russell
Ben Russell (né en 1976, aux États-Unis) est un artiste, réalisateur et commissaire d’exposition dont le travail se situe à la croisée du psychédé-lisme et de l’ethnographie. Ses films et ses instal-lations nouent un dialogue direct avec l’histoire de l’image documentaire, en menant une enquête sur les phénomènes de transe qui convoque, entre autres, Jean Rouch, Maya Deren et Michael Snow.
Russell a été artiste exposant à Documenta 14 (2017), et son travail présenté, entre autres, au Centre Pompidou, au MoMA, à la Tate Modern, au musée d’art contemporain de Chicago, à la Mostra de Venise et à la Berlinale. Il a reçu une bourse Guggenheim en 2008, le prix Fripresci de la critique internationale (au festival du film de Rotterdam, en 2009, et à celui de Gijón, en 2017), et présenté, pour la première fois, ses deuxième et troisième longs-métrages au Festival international du film de Locarno (2013 ; 2017). En tant que commissaire, il a signé les expositions Lanterne magique (à Provi-dence, aux États-Unis, en 2005-2007), Ben Russell (à Chicago, en 2009-2011) et le festival Hallucina-tions (à Athènes, en 2017). Il achève en ce moment un projet polymorphe de non-fiction sur un homme à la recherche d’une montagne invisible.
Ben Russell – réalisateur, artiste et commissaire d’exposition – défie, de l’intérieur, les codes de la représentation documentaire pour donner naissance à des expériences tour à tour intenses, hypnotiques et hallucinantes. Son activité de commissaire ressemble à son travail de réalisa-teur, alliant au cinéma expérimental une forme d’ethnographie spéculative qu’il qualifie de « psychédélique ».
Les films de Russell engagent le spectateur dans une aventure ritualisée et non narrative qui court-circuite la charge subjective viscérale du psychédélisme par le biais de protocoles ethnogra-phiques de visualisation et d’objectivation. La puis-sance singulière de son œuvre filmique réside dans la mise en évidence des affinités et des différends entre ces deux états. Il façonne cette expérience, d’une part, en examinant le dispositif cinémato-graphique et sa potentialité d’immersion et d’iden-tification mimétique, et, de l’autre, par les sujets mêmes de ses films, qui franchissent des seuils en se livrant à des pratiques profanes de rituel et de transe et en traversant des états de conscience altérée. Selon Russell : « Ces expériences transfor-matives vont de pair avec une conscience critique aiguë des techniques cinématographiques et de leurs limites définies par le temps. »
Né en 1976, dans le Massachusetts, Russell vit aujourd’hui à Marseille. Il s’est fait connaître grâce à la série Trypps (2005-2010), dans laquelle il abordait, pour la première fois, l’expérience physique de la musique bruitiste. Toutefois, il n’a pas tardé à y « associer les pôles variés de l’action painting, du cinéma d’avant-garde, du portrait, du stand-up, du capitalisme global et de la danse en transe à la Jean Rouch », et à réaliser longs-métrages, installations, performances en direct et courts-métrages. Fondateur de la série de projec-tions Lanterne magique, parmi bien d’autres, Russell a conçu et organisé plus d’une centaine de programmes thématiques consacrés au film et à la vidéo. Dans le cadre de Documenta 14, il a présenté une installation multicanale qui mesurait l’échelle sociale et globale des politiques d’extrac-tion minérale. Intitulé sobrement Bonne chance, ce projet s’apparentait à une analyse comparée de films ayant trait à deux communautés d’ouvriers – la première travaillant dans une mine d’or illégale de petite envergure au Surinam, la seconde dans une mine de cuivre publique en Serbie. Il a organisé, en outre, un festival de quatre jours dédié au cinéma et à la performance, à Athènes, intitulé Hallucinations, auquel il a convié des réalisateurs, des musiciens, des plasticiens et des chercheurs indépendants à dérouler ensemble l’écheveau hallucinatoire du cinéma.
Son projet le plus récent a été tourné au cours d’un voyage de deux mois, par voie de terre, du nord de la Finlande à la Grèce, avec, pour seul guide, un vagabond finlandais à la recherche d’un sommet invisible flottant à la surface de la mer. Présenté à Mexico et à Paris, et connu sous les titres La Montaña Invisible, La Montagne invisibleet The Invisible Mountain, ce nouvel opus a pris la forme d’une installation monumentale – en colla-boration avec le designer sonore Nicolas Becker –, d’une installation vidéo à six canaux et d’un film documentaire hybride de long métrage. Via cette ambitieuse collection de textes, d’images en mouvement, Russell montre que le cinéma, dans toutes ses manifestations, est à la fois le moyen et la fin d’une expérience transcendantale.
Adaptation d’un texte écrit par Hila Peleg pour Documenta 14