Arnaud Petit

Ecole

Arnaud Petit s’est intéressé, et confronté à l’image sous diverses formes, mais en tant que compositeur. En choisissant de travailler avec des films muets à la fin des années 80 à l’Ircam (« La Passion de Jeanne d’Arc », de C.T. Dreyer, « Tabou » de W. Murnau), il développe le pouvoir de mise en scène des images au moyen de la musique et du son. Dans l’opéra « La Place de la République », créé au Centre Pompidou au début des années 90, il réalise lui-même une partie cinématographique centrale de l’opéra. Le pouvoir de la musique face aux images n’est pas neutre, l’assumer au premier plan dans un cadre spectaculaire fut l’une de ses préoccupations, qui heurta très vivement alors. Depuis lors, la musique orchestrale ainsi qu’électronique a tenu une place importante de sa production, ainsi que divers opéras. « La bête dans la jungle », d’après la nouvelle éponyme d’Henry James, sera prochainement repris à l’opéra de Cologne.

Le pouvoir de la musique face aux images n’est pas neutre

Arnaud Petit s’intéresse aussi depuis plusieurs années au rapport entre musique « populaire » et musique « écrite ». Il a créé l’an dernier, avec D. Yvinec, le « Chaos Orchestra », qui explore une écriture où se côtoient des mondes musicaux d’essences diverses, et des musiciens issus de pratiques très différentes les unes des autres. Il a obtenu plusieurs distinctions, en Europe et aux Etats-Unis.

Le projet d’opéra technologique « ID », qu’il conçoit, notamment au Fresnoy, en étroite collaboration avec Alain Fleischer se situe dans la continuité de ses préoccupations, mais sous une forme nouvelle, où la technologie, et ce qu’elle permet aujourd’hui en associant la synthèse du son et de l’image, prend une part prépondérante.

Le dédoublement, le miroir,  l’identité, le trouble. C’est ce que cet opéra technologique pour le moment intitulé « ID » met en scène. Une chanteuse voit son image soudain s’animer indépendamment d’elle-même. Comme si un miroir retenait son image pour ensuite lui donner une vie distincte, indépendante. Un miroir non pas déformant mais créateur. Ce dédoublement, dont nait un trouble (qui traverse par ailleurs une grande partie de l’œuvre d’Alain Fleischer, ici librettiste), est le moteur de ce à quoi nous assisterons.

Une chanteuse (on disait autrefois « cantatrice », un terme suranné qui semble aussi évoquer une artiste mettant en scène sa voix), des musiciens, une dramaturgie/scénographie, un dispositif technologique. La voix chantée, qui identifie le genre en le magnifiant, est aussi dans cette œuvre sujette à un questionnement sur celui-ci ; tout autant que le corps nouveau, double,  créé par l’artifice de l’imagerie informatique,  sera technologiquement animé par le truchement d’un mime, avant de trouver peut-être sa propre animation (sa propre âme…).

Une confrontation entre un corps vrai et un corps artificiel, c’est aussi cela que la musique va accentuer, la voix réelle se confrontant à la voix inventée, toutes deux chantées. Et rejoindre aussi ces questionnements si anciens sur le dédoublement d’un corps, alors que l’on connaît depuis longtemps les cas de dédoublements de l’esprit, de dédoublements de l’identité.

D’ailleurs ne sommes-nous pas multiples ; différents aspects de nous-mêmes se confrontant les uns aux autres, se combattant avant de trouver le compromis permettant de continuer de vivre. A l’intérieur de nous-même, imaginons un autre, qui un jour pourrait prendre le pas.

Ici, dans la continuité d’une dramaturgie narrative imaginée avec Alain Fleischer, une chanteuse va cheminer vers son autre.

Plusieurs partenaires s’associent afin de donner naissance à ce projet, parmi eux Le Fresnoy-Studio national, le Cirmmt de l’université McGill à Montréal, l’Ircam à Paris.