Le Fresnoy a été pour moi un flash. J’ai une formation plurielle et multidisciplinaire et une expérience de travail internationale ; j’ai tout de suite compris que Le Fresnoy serait le lieu où ces différents langages pourraient fusionner. J’étais intéressée à être dans un espace de travail qui s’apparenterait à de la recherche, de l’expérimentation. Du fait de mon parcours, cela m’est familier. Ici, je peux me défaire ou avancer dans une idée très rapidement du fait d’un encadrement humain et technique de haut niveau. Dans le cadre de Panorama 15, j’ai réalisé une installation documentaire photo/vidéo intitulée «A Familiar Place». En 2009 je m’installe en Egypte où je resterai cinq années. J’y ai filmé (photographié, enregistré) la ville du Caire puis le personnage principal de cette installation depuis avril 2011. Juif égyptien communiste, Titi alias Albert Arié, vit dans le même appartement depuis 78 années. Son balcon donne sur la fameuse place Tahrir. Le 25 janvier 2011, il observe la révolte gronder de son balcon, tout comme en 1952 il verra le Caire s’enflammer peu de temps avant d’être arrêté puis condamné pour son opposition au régime. Le balcon est la pierre angulaire de cette installation, il dessine les contours de deux autres espaces qu’il lie entre eux, l’intériorité et l’extériorité. A l’intérieur, la pensée d’une vie passée, à l’extérieur celle d’un peuple en devenir. Le balcon constitue la rencontre de deux générations, deux espaces temps. Après trente années d’immobilisme, la lutte populaire se réveille mais Titi n’en est pas. La temporalité d’un pays ne correspond pas à celle d’un homme et le plus souvent l’engagement et le combat politique des uns, profitent aux générations suivantes. Dans mon travail, le fond génère peu à peu la pensée d’une forme et me fournit le socle d’une liberté totale de conception. L’universalité du politique inspire mon travail qui tend vers la transmission, la réparation de l’oubli, la trace du vécu. Pour « A Familiar Place », c’est la rencontre avec Titi qui a été décisive. J’ai voulu raconter à travers son récit de vie, celle de toute une génération et d’un pays. Raconter la petite histoire dans la grande et accéder finalement à cette étrange universalité de l’Homme.