Une grande maison. Un beau jardin côté rue, parterres d'apparences. Les pièces sont silencieuses, étouffées par les épais tapis et rideaux poussiéreux. Des décors recouverts de motifs endormis : fleurs désuètes et animaux en tout genres. De longs couloirs relient les successions d'étages, de chambres, de portes. Des sons réels ou chants intérieurs nous feraient croire que quelque chose se produit de l'autre côté. Mais derrière il n'y a que des espaces bien rangés. Au mur, portraits de famille, images pieuses, illustrations sucrées ou scènes de chasse. Fenêtres, indices de rêves de leur propriétaire, ou cache-misère de peintures craquelées et papiers peints moisis. Encore d'autres portes et toujours le désir d'ouvrir la chambre au matelas à petit pois sous dormante couturière à longue natte. Les pièces nous donnent l'impression d'y être déjà venus à quelques détails près. Les meubles, les objets ou nos souvenirs se seraient légèrement modifiés, déplacés en notre absence. Un oubli volontaire et la malédiction se propage : Ma Grande Tante Tinie s'était amourachée d'un garçon présenté au bal. Après quelque temps, elle ne l'a pas reconnu. Tante Tinie m'a appris à tricoter. Je ne sais pas tricoter. Tante Tinie ne s'est jamais mariée et moi, tant que je maintiendrai mon oubli je ne deviendrai jamais bonne à marier. Dans la grande maison l'extérieur anachronique traverse les dessins des voilages. A l'extérieur des taches d'intérieur comblent les trous de dentelle.