Certains lieux semblent traversés ou façonnés par l'Histoire et par les récits qui s'y attachent. Ces deux films explorent, chacun à leur manière, la capacité d'un lieu à offrir, de façon symbolique ou émotionnelle, les traces de son histoire. Ils touchent aussi pour moi la question essentielle de la représentation documentaire et métaphorique du monde qui m'entoure. Parce qu'elle me permet de voir des choses que je ne vois pas autrement, la caméra vidéo est l'outil qui m'aide à interroger une part de moi-même encore informe, qui a trait à l'errance et au déracinement. “Ul. Stawski” est une rue située à l'emplacement de l'ancien ghetto de Varsovie. La scène montre les bâtiments d'une cité à l'architecture stalinienne avec, en contrebas, un jardin où la terre est à nue. Au pied d'un arbre, on distingue une silhouette assise sur un rouleau de jardinier... En février 1939, cinq cent mille réfugiés espagnols passent par la frontière française. Ils sont regroupés dans des camps qui serviront plus tard à l'internement des exclus de la Révolution Nationale, ces 'Indésirables', Français, Juifs, exilés et anti-nazis de toute l'Europe. “Tout entière dans le paysage” est une recherche autour de la mémoire de ces camps du sud de la France: Gurs, Rieucros, Rivesaltes, Brens, Septfonds, Noé, Saliers, Les Milles, le Récébédou... Je suis partie de la notion de lieu de mémoire au sens où Pierre Nora l'entend : “Non ce dont on se souvient, mais là où la mémoire travaille”.