Guy Cassiers
Guy Cassiers (1960) a d’abord étudié les arts graphiques à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers. Même si à cette époque il se tourne vers le théâtre, sa formation d’artiste visuel a toujours joué un rôle crucial dans sa carrière de créateur de théâtre. Cassiers voit le théâtre comme un outsider, et c’est à partir de cette position qu’il a élaboré son propre vocabulaire artistique. Ce statut d’étranger se traduit également, au sein des pièces, par une préférence pour les figures solitaires, isolées et souvent asociales. Quant à la forme, elle a le goût des textes littéraires (par opposition aux textes dramatiques) et recourt à la technologie visuelle. Il a adapté et mis en scène des romans d’auteur·e·s connu·e·s comme Marcel Proust, Robert Musil, Virginia Woolf, Joseph Conrad, Léon Tolstoï, Yasunari Kawabata et Marguerite Duras.
Il a été le directeur artistique d’OHS, un théâtre pour la jeunesse à Gand (1987-1992), du Ro Theater à Rotterdam (1999-2006) et du Toneelhuis à Anvers (2006-2022). Pendant cette dernière période, son intérêt croissant pour l’histoire européenne et pour des thèmes politiques, comme la migration et le terrorisme, a donné lieu à des productions remarquées telles que Mephisto forever (Klaus Mann / Tom Lanoye), Les Bienveillantes (Jonathan Littell), Borderline (Elfride Jelinek), La Petite Fille de Monsieur Linh (Philippe Claudel) et Les Démons (Fiodor Dostoïevski). Le critique de théâtre flamand Pol Arias a décrit Mephisto forever comme le spectacle de l’année 2006 : « Le metteur en scène Guy Cassiers accomplit un travail époustouflant dans la restitution de cette pièce complexe. À l’aide de caméras discrètes, il souligne et agrandit les visages pour dépeindre la peur, le désespoir ou la simple vanité. Le décor d’une subtilité sans nom est un clin d’œil au théâtre Bourla lui-même. Et comment ne pas évoquer le rôle crucial de la lumière et l’ingéniosité de la bande-son ? Les acteurs et les actrices rivalisent de génie. Ensemble ils mettent en scène une pièce politique, qui ne cherche pas à instruire mais à interroger, au sein de leur propre monde – le théâtre. »
Guy Cassiers aime travailler dans d’autres langues. Il a monté La Petite Fille de Monsieur Linh dans des versions anglaise, espagnole et catalane. Son langage théâtral distinctif, visuel à l’extrême, a fait de lui l’un des metteurs en scène les plus renommés d’Europe. Avec ses acteurs il façonne un univers sensoriel où la musique joue un rôle de plus en plus important – ce pourquoi il s’est tourné vers l’opéra. Il a mis en scène L’Anneau du Nibelung (Wagner), The Indian Queen (Purcell), Xerse (Cavalli) et des opéras modernes de Kris Defoort, Rob Zuidam et Luca Francesconi.
Guy Cassiers a remporté le prix Thersites de la critique flamande pour l’ensemble de son œuvre (1997), le prix Amsterdam pour les arts, le Werk preis Spielzeiteuropa, décerné par le Berliner Festspiele pour son Cycle Proust (2004), le prix Europe Nouvelles réalités théâtrales (2009) et avec Ivo Van Hove, un doctorat honoris causa de l’université d’Anvers pour services rendus à la société. En mai 2017, Guy Cassiers a reçu l’insigne d’officier de l’ordre des Arts et des Lettres des mains du ministre français de la Culture.
Pour Le Fresnoy, Guy Cassiers entend travail-ler à une installation capable de rendre visible l’ambiguïté de l’ouverture du Don Giovanni de Mozart. Cette ouverture est solennelle et prémonitoire : c’est la musique qui souligne la mort du Commandeur ; c’est celle qui réapparaît dans le finale de l’opéra, lorsque le Commandeur, devenu une statue de pierre, dîne avec Don Giovanni. Un andante émerge de la tonalité en ré mineur pour prendre la forme d’un brillant allegro en ré majeur. La musique de l’ouverture établit le subtil équilibre de l’opéra entre comédie et tragédie, mais elle suggère aussi que la justice est aux trousses de Don Giovanni, séducteur luna-tique. Guy Cassiers tentera de traduire cette tension musicale entre la comédie et la tragé-die, entre la légèreté vitale et l’inéluctable dans une installation visuelle et dynamique.