Gao Bo
L’œuvre de Gao Bo n’a d’autre loi que celle de la recherche des moyens d’expression variés – photographie, peinture, sculpture, installation, performance, architecture... – pour dire à la fois sa passion de la création et sa hantise de la destruction, son espoir et son désespoir. Ce sont de tels sentiments antagonistes qui permettent de comprendre certains de ses gestes d’artiste : par exemple, lorsqu’il accroche de grands tirages photographiques aux murs de la galerie pour le vernissage, avant de les recouvrir de peinture noire dès le lendemain puis, un peu après dans le cours de l’exposition, d’effacer l’effacement, de cher- cher à retrouver l’image perdue. Ou encore, lorsqu’il émulsionne un corps de femme pour qu’il devienne le support photographique vivant, périssable, la reproduction éphémère, de cette femme idéale et éternelle qu’est Mona Lisa. Ou encore, lorsqu’il ramène du Tibet – la terre de son inspiration mystique – des cailloux dont il fait le support, prélevé à la nature et destiné à y retourner, de portraits photographiques d’êtres humains, matériau minéral à la fois des spectres et de leurs tombeaux. Si le jeune enfant, incompris par sa famille, qui voulait faire des études de beaux-arts, puis de musique, s’est finalement fait connaître, par hasard, comme photographe, la conscience de ce que certaines photographies doivent au réel plus qu’à un regard d’artiste, a conduit Gao Bo à ne tirer aucune gloire de quelques- unes de ses images de reportage, qui lui valurent d’être repéré, y compris celles, rapidement effectuées à titre d’exercice dans son école de beaux-arts, parmi l’atelier de nu académique, avec un appareil de fortune prêté par un professeur, qui lui valurent, à sa plus grande surprise, de recevoir le Prix Hasselblad.
La rencontre avec Gao Bo, l’écoute de son histoire telle qu’il la raconte, déjouent avec une force irrésistible la perception convenue de l’artiste comme héros d’une aventure mondaine, dans cette même société où brillent les golden boys, les traders et les champions de l’art-marchandise. De certains artistes chinois internationaux, on pourrait dire : nationalité : artiste ; profession : Chinois. Sans jouer avec les mots, j’essaierai de me faire comprendre en avançant que Gao Bo est d’abord un artiste, puis que Gao Bo est Chinois, mais qu’il n’est pas ce que le milieu de l’art appelle aujourd’hui un artiste chinois.