Mario Côté
Artiste peintre et vidéaste, Mario Côté vit et travaille à Montréal. Depuis 1994, il enseigne à l’École des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal. Il est membre actif au sein du Centre de recherche en arts médiatiques Hexagram/UQAM. Initiateur de plusieurs collaborations dans le domaine de la vidéo expérimentale, il interroge la notion de «corps danseur» en collaboration avec l’artiste multidisciplinaire Françoise Sullivan et la chorégraphe Jeanne Renaud. La notion de «corps lecteur» avec plusieurs écrivains, acteurs, compositeurs et cinéastes. Il dirige les groupes de recherche: ARC_PHONO (2005-2012) et ARC_DANSE (2009-2015). Il s’intéresse aussi à la notion de traduction interdisciplinaire en peinture en transposant plusieurs pièces musicales du compositeur américain Morton Feldman. Une rétrospective de son travail pictural et vidéographique portant le titre «Tableau» (2002) a été présentée au Musée d’art de Joliette par la commissaire indépendante Nicole Gingras. Une importante exposition, «Table d’écoute» (2015), se tiendra au Musée régional de Rimouski produite par le commissaire Patrice Loubier. http://www.mario-cote.ca
C’est dans cet esprit d’échanges entre artistes confirmés et en formation, de générations et de pratiques différentes, que je souhaite aborder cette nouvelle expérience pédagogique
Être invité en tant qu’artiste en résidence au Fresnoy - Studio national des arts contemporains, représente pour moi le fruit de plus d’une vingtaine d’années d’échanges intellectuels, de complicité créatrice et d’expériences pédagogiques. Eh oui, imaginez que ma fréquentation du Fresnoy trouve son point de départ bien avant que les bâtiments du Fresnoy n’aient existé. En effet, il y a 23 ans, je terminais à peine ma Maîtrise en Arts visuels que je fus engagé comme assistant pédagogique dans une aventure absolument marquante pour tous ceux et celles qui l’ont vécue. Alain Fleischer était venu donner à l’Université du Québec à Montréal deux ateliers interdisciplinaires, l’un à l’été 1992 et l’autre en 1993, à l’invitation de la doyenne de la Faculté des arts de l’époque, Rose-Marie Arbour. Ces premiers ateliers montréalais venaient préfigurer la pédagogie du Fresnoy où un artiste, Alain Fleischer, menait un projet de création et, du même coup, supervisait le travail de création des étudiants inscrits à ces ateliers. Et deux ans plus tard, en 1995, je me retrouvais à Tourcoing dans des bâtiments non encore reconfigurés par l’impressionnante architecture de Bernard Tschumi.
Une étrange atmosphère régnait parmi les lourdes tentures de velours rouge qui reconfiguraient complètement les espaces désaffectés et, surtout, devenait alors le lieu d’un risque intellectuel tout nouveau. Presque vingt ans plus tard, en 2013, un nouvel atelier interdisciplinaire, en collaboration avec Alain Fleischer, s’est donné sur le site de Baie-Saint-Paul, au Québec, là où Pierre Perrault, pionnier du cinéma direct, a créé la célèbre trilogie de l’Isle-aux-Coudres. D’autres projets de création ont pris forme entre Alain Fleischer et moi à partir de ces «mystères objectifs» et des nécessités de la vie. À titre d’exemple, en 2004, une première coproduction filmique, Sans terre ni mère, d’après une proposition scénique de Jean Asselin et des Mimes Omnibus de Montréal. Puis, deux documents, l’un témoignant de la singulière technique d’écriture orale d’Alain Fleischer, La chambre qui attend (2004) et, l’autre, la lecture intégrale d’un texte du même auteur sur la photographie et l’irreprésentable de la Shoah, À ciel ouvert (2011).
C’est dans cet esprit d’échanges entre artistes confirmés et en formation, de générations et de pratiques différentes, que je souhaite aborder cette nouvelle expérience pédagogique qui me stimule intellectuellement à plus d’un titre. Fort d’une pratique interdisciplinaire, d’une expérience de pédagogie artistique nord-américaine, très différente des approches d’écoles d’art européennes, je souhaite partager ces acquis et les mettre en contraste avec d’autres approches.
En ce qui concerne les projets que je souhaite mener, j’aimerais relancer la complexe question du «corps-lecteur». Ainsi, il faut s’étonner que l’action de lire soit prise en charge par l’entièreté du corps et instaure un dispositif particulier de corporalité. De plus, la lecture d’un texte instaure une temporalité spécifique et détermine une durée autre que celle que les standards télévisuels ont imposée à beaucoup de productions. La production expérimentale de mes documents filmiques se trouve alimentée par ces questions que je souhaite développer au cours de cette prochaine année au Fresnoy.
Mario Côté.