Ramy Fischler
Je me définis habituellement comme un créateur industriel, mais l'industrie d’aujourd'hui n’est, elle, pas simple à définir, ni à appréhender, dans un monde où les machines de production comme les objets se dématérialisent, où les usages et les modèles économiques se globalisent.
Un monde qui semble toujours plus plein, qui s’épuise, mais qui appelle pourtant sans cesse à se renouveler, à se redéfinir, à se reconstruire, autrement. C’est ce monde, que certains ont appelé « post industriel », qui alimente ma démarche et mes productions.
Ce qui me rapproche du Fresnoy, c’est la volonté et l’aptitude à décloisonner les univers de la création
Qu’il s’agisse de concevoir un objet artisanal, une exposition, un produit industriel ou une interface virtuelle, c’est toujours pour moi une nouvelle occasion de m’immiscer dans un territoire, de l’observer, d’épuiser le sujet et ses possibles, et d’établir une synergie collective, dont la teneur et la tournure comptera autant que le résultat final, voire plus encore. Car l’échange d’idée, la recherche et l'expérimentation, que nécessite toute innovation, font autant vivre et évoluer les créateurs que les industriels ou les scientifiques qui collaborent de plus en plus à leur réalisation. Le designer se trouve bien souvent à cette place la plus propice pour initier des rencontres inédites entre les acteurs de mondes qui ne se côtoient généralement pas.
Ce croisement des savoirs, des idées -qui reste, dans ma pratique, le seul outil inaltérable- me permet de découvrir et d’appréhender des techniques et des problématiques, elles, en constante mutation. Ce qui me rapproche du Fresnoy, c’est la volonté et l’aptitude à décloisonner les univers de la création. Chercher à connaitre, à interagir, à dialoguer avec les mondes qui nous entourent. Virtuels ou matériels -et de plus en plus les deux à la fois- nos créations, nos projets, sont dépendants des techniques, et des technologies, sans lesquelles nous ne pourrions les mettre en œuvre, qui évoluent constamment, et qui parfois nous dépassent.
Pourtant, ces outils numériques, ces technologies mutantes, sont autant de paramètres qu'il nous faut aujourd'hui connaitre, comprendre, apprivoiser, mais aussi questionner, détourner, déplacer dans d'autres contextes, pour d'autres usages.
Mon approche relève essentiellement de ce double regard sur mon environnement, à la fois intérieur, en tant qu’utilisateur, qu’usager, qu’acteur, et extérieur, en tant qu’observateur critique de ce qui semble être, ou peut devenir, une problématique. La surveillance numérique, les sciences du sommeil, les instruments de musique électronique, ou les technologies de prototypages rapides, sont quelques exemples de phénomènes d’actualité dans lesquels je me suis investi ces dernières années, aux côtés de chercheurs, de médecins, d’ingénieurs, de programmateurs, d’industriels, d’éclairagistes ou de compositeurs.
L’expérimentation de la lumière est néanmoins une constante dans mes projets d’espaces comme d’objets. Car les technologies d’éclairage connaissent un essor croissant, tant en terme de puissance que de miniaturisation des composants. Avec le déclin des ampoules à filaments, et l'émergence des technologies à basse consommation, la lumière domestique prend une nouvelle dimension fonctionnelle et esthétique. Le pilotage à distance se démocratise, et les attentes du plus grand nombre évoluent.
La lumière n’est plus seulement synonyme d’éclairage : sa capacité à moduler les couleurs, à interagir avec l’environnement, m’amène à redéfinir le luminaire de demain, et à l’imaginer comme une interface, narrative, tel un écran de cinéma.
Pour reprendre la belle expression d’Alain Fleischer, « Un cinéma éclairant le monde ». Peut-être serait-ce ainsi que je nommerais le point de départ de ma recherche au Fresnoy.