Laure Prouvost

Ecole

Laure Prouvost (née en 1962, Lieumeconu) vit et travaille. Là, une longue liste de musées et d’ins-titutions. Une ligne, des choses intéressantes, une virgule, une ligne, une liste exhaustive de résidences et de prix. Une sélection de projets personnels dont : un bleu mer profond vous entourant à Venise, une salle d’attente avec des objets à Minneapolis, un nouveau musée pour grand-père à Milan, un salon de thé pour grand-mère à Derry, une salle de karaoké à Bruxelles, un Prix pour Turner, un nouveau bar à vodka à l’encre de pieuvre pour Gregor à Rotterdam, une agence de voyage pour un oncle à Francfort, un lobby pour l’amour entre artistes à La Haye et Lucerne... des sachets de thé, des sols mouillés et des clémentines.

Cette année, je voudrais me concentrer sur la situation engendrée au cours de ces derniers mois, sur la façon dont elle nous a changés, sur la proximité, le toucher, les odeurs, la circulation des objets entre nous, sur la connaissance et les particules indésirables.

Comment, dans cette situation nouvelle, travailler avec l’intimité ? L’avenir interindividuel, notre relation au petit, au soi, se recentrer.

Comment les normes se sont-elles modifiées, à quelle vitesse la société s’adaptera-t-elle et utilisera-t-elle cette opportunité pour imaginer un avenir nouveau ?

Pouvons-nous répondre au monde différemment, avec une complexité nouvelle, sans qu’une chose ne domine l’autre, mais avec une force totalement égale, en termes de culture, de race, de langue, de nature, de temps, d’odeur, de toucher, de vision, d’économie, tous ensemble et sans hiérarchie. Autrement dit : le son comme un goût, comme une odeur, comme un échange intime avec l’autre, surtout dans ces circonstances nouvelles. L’idéal serait de réapprendre, de désapprendre et de réapprendre ensemble.

Travailler vers la fluidité, se fondre l’un dans l’autre. L’hospitalité – l’hospitalité maintenant.

Concrètement, pour le premier semestre, j’aimerais que nous nous forcions à produire une pièce par jour sur l’intimité et la reconnaissance mutuelle... Toucher le monde avec nos extrémités, sans contact, un travail de traduction. La traduction de nos nombreux sens et l’éveil d’une nouvelle conscience, de notre empathie.

Étant invitée cet automne en tant qu’artiste à travailler sur une exposition pour le LaM en dialogue avec sa collection d’« art d’initiés », j’aimerais que la classe tourne son regard vers elle-même, à l’intérieur d’elle-même, qu’elle explore l’idée de l’objet comme relique, comme système de croyance, quand l’art est absolument urgent, quand il devient un réel besoin pour soi comme pour la société.

Concernant la création d’une pièce pendant mon séjour au Fresnoy, j’imagine développer une pièce en dialogue direct avec la collection du LaM, mon histoire personnelle avec le Nord de la France, mes souvenirs de Tourcoing et de Roubaix ainsi que des faits fictionnels, en référence à mes nombreux grands-pères et grands-mères, à la migration, au monde qui s’effondre, se liquéfie l’un dans l’autre, éventuellement développer les séquences « Roubaix – Magique » du film Deep See Blue pour le pavillon de Venise de 2019. Cette séquence a été tournée avec un magicien, qui faisait léviter les tables, invitant les locaux à se joindre à lui, rue de l’Alma à Roubaix. J’aimerais profiter de l’occasion pour renouer avec les habitants, éventuellement faire une pièce ensemble, projeter un récit avec elles et eux, mélanger nos histoires.

Techniquement, j’imagine une nouvelle vidéo, essentiellement tournée au téléphone et une activation DMX des éléments trouvés dans le film, qui échapperaient aux images pour devenir des reliques, du mobilier pour le public et une preuve du récit. La/ma grand-mère, le grand-père, l’oncle et les cousins seront impliqués tout comme les personnes que je rencontre en chemin. J’imagine une affaire de famille et une expérience de lévitation... Garder la magie du Café de l’Opéra rue de l’Alma.

Laure Prouvost