Fermer les yeux. Un acte banal et quotidien - qui nous dote pourtant d’un pouvoir doublement divin. Clore les paupières, c’est d’abord détruire, instantanément et sans effort, l’entièreté du visible. C’est se précipiter soi-même dans le caveau obscur, se libérer de l’oppression inspirée par le labyrinthe des objets, en le laissant mortellement nous enserrer. C’est ensuite laisser ré-émerger délicatement le monde, cette fois comme strictement audible. On plonge alors dans un magma sensible pur, matriciel, protégé a priori de l’angoisse. Ce qui apparaît constitue l’humus élémentaire d’un monde enfantin : sans cesse recommencé, sans cesse nouveau. Quel voyage fait-il, celui qui ferme définitivement les yeux ? Quelles limbes, quelles lignes de crête traverse-t-il, quels paradis atteint-il, celui qui s’accroche à la conscience, alors qu’il a déjà tourné le dos au monde, comme une pierre ? La technologie du jeu vidéo est utilisée dans Ere de Repos pour créer un territoire sonore, dans lequel le joueur déambule virtuellement, muni d’un casque audio et d’un gamepad. Ses possibilités sont le déplacement et l’écoute. Il n’y a plus qu’un loup pour le guider ; sorte de Cerbère commun, faisant le pont entre deux mondes. La conscience, pour toute ébranlée qu’elle soit de sa déconnexion avec le scintillement de l’écran, y déploie une nouvelle vitalité : le player redevient Joueur. Il prend de nouveau la responsabilité, le risque, et la liberté joyeuse de créer les règles tout en jouant.