Armando MENICACCI
Après des études de ballet et une maîtrise en musicologie, j'ai obtenu un doctorat en danse et hypermédia à l'université Paris 8. En 2000, avec Emanuele Quinz et Andrea Davidson, j'y ai fondé Médiadanse, laboratoire dont l'objet était les relations entre les arts de la scène et les technologies numériques. Dès lors, j'ai entamé des collaborations comme dramaturge, pro- grammeur, vidéaste -- et parfois interprète -- avec plusieurs chorégraphes tels que Rachid Ouramdane, Alain Buffard, Vincent Dupont, Steven Cohen, et d'autres. J'ai ensuite enseigné dans différentes universités et écoles d'art en Europe et aux Amériques, tout en développant -- dès 2005 et presque contre ma volonté ! -- des installations interactives et des œuvres pour la scène.
Depuis 2015, au Québec, en tant que professeur à l' UQAM, j 'ai dirigé le premier axe de recherche d'Hexagram, un regroupement stratégique interuniversitaire de recherche- création relatif aux croisements entre arts, société et technologies numériques. Pendant la pandémie, j'ai décidé de fonder un nouveau projet financé par le ministère de la Culture du Québec avec le metteur en scène Nicolas Berzi. Au sein de l'association SIT, Scènes interactives technologiques, nous développons et intégrons des technologies pour les arts vivants.
J'ai toujours été intéressé par les relations entre la création, la recherche et l'enseignement : c'est pour cela que je me suis toujours senti bien au Fresnoy où j'avais déjà été artiste- professeur avec Alain Buffard en 2004-2005. Cette année, je voudrais produire deux objets qui questionnent et relient ces trois domaines. Je souhaiterais développer un logiciel de génération de musique basé sur l'IA et les modèles de Markov cachés, qui produisent le son de la pièce chorégraphique Ensemble pour quatre danseuses et danseurs. Commencée en 2005 au Fresnoy sous le nom de Underscore et sous forme de site Internet, la pièce a pris une forme scénique au festival de danse de Recife au Brésil en 2006 avec Christian Delécluse.
J'aimerais que le logiciel qui génère la chorégraphie de la version scénique nourrisse aussi celui qui va générer la musique, selon des principes produisant la partition chorégraphique. La générativité d'Ensemble est basée sur le pseudo-aléatoire informatique modifié en temps réel, sur scène, avec des fourchettes de caractéristiques statistiques qui font évoluer les paramètres de générativité sonore. En d'autres termes, la générativité d'Ensemble n'est pas aléatoire, mais proba- biliste, ce qui me permet d'accompagner les interprètes et de leur faire des propositions basées sur le sens que la scène développe à chaque instant. Ensemble pose une série de questions qui m'intéressent, et la problématique centrale du travail esthétique et politique est de trouver des espaces de liberté sous une règle commune : comment vivre ensemble ? La pièce constitue une réflexion critique sur la notion de partition musicale et chorégraphique développée par Nelson Goodman dans Langages de l'art. La générativité musicale suivra les mêmes principes constituant un moteur au service de l'accompagnement des interprètes. Lors de l'exposition Panorama, je vais montrer le film de la pièce réalisé avec 8 caméras.
Le second objet est aussi un film, un court métrage documentaire dont j'ai confié la réalisation à Marie Lavorel, artiste, chercheure et documentariste spécialisée dans la trans- mission de mémoires sensibles. Ce film suivra les étapes de création et pourra problématiser de façon polyphonique les enjeux sémiotiques, technologiques, politiques, scientifiques et esthétiques de cette pièce. Ainsi, les voix des protagonistes (programmeurs, interprètes, musiciens) pourraient entrer en dialogue avec celles d'autres chercheurs et artistes qui réfléchissent à leur manière sur le processus comme sur leurs enjeux personnels.